David Lütolf - solutions
Ukraine: Le logement à Kiev
(2006-10-22) Arthur, avec qui je partageais ma chambre d'hôtel, est parti
avant-hier et j'ai donc enfin pu profiter de deux nuits de sommeil dans un
silence très apprécié mais ce n'était que pour apprendre brutalement et à 11h
du mat que je devais avoir quitté la chambre en question pour midi. Adieu donc
cet hôtel qui me dévalise chaque jour un peu plus mais auquel je m'étais
habitué, adieu le petit lac pas trop loin où je pouvais aller patauger le
matin et me dérouiller pour bien commencer la journée. Chose peu surprenante
(et pour ne pas dire évidente) une voiture m'empêche de sortir la moto du coin
où elle est parquée, et là je n'ai pas trop le temps d'attendre.. quelques
minutes et quelques grattages de tête plus tard, j'arrive à sortir mais ce
n'est que pour me rendre compte que je n'arrive pas à démarrer. Mais pourquoi
n'ont-ils pas mis un kick sur cette brèle? Je peux bien essayer de pousser,
mais avec le pneu arrière à plat je peux toujours courrir pas moyen d'arriver
à quoique ce soit. Il faudra donc pousser jusqu'au prochain "chinomontag"
(entendez par là un endroit où on vous change les pneus) où on me donnera un
peu d'air, de quoi tenir pour la journée. Mais avant ça, je mentionnais qu'il
m'a fallu pousser, et pour pousser, j'ai poussé. Avec ce plat, la moto est
devenue vaaachement plus lourde mais heureusement ça ne dure pas trop
longtemps et une fois ce problème réglé j'arrive à démarrer en poussant. De
retour à l'hôtel, je fais mes bagages et je quitte la chambre ; il est près de
13h mais on ne m'en veut pas.
Chargé de tous mes bagages je m'en vais rejoindre un ami rencontré quelques
jours auparavant, un étudiant en [i]politologie[/i] à l'université Shevchenko
qui cherche également à se loger. En me balladant dans le parc de l'université
pour trouver quelqu'un qui m'aiderait à téléphoner à des agences immobilières,
je suis tombé sur un groupe d'étudiant qui m'ont tout de suite invité pour
partager le vin maison des transcarpates et un poulet roti et qui ont ammeuté
leurs soeurs et amis pour m'aider. C'est ainsi que quelques jours plus tard un
de leur potes, Denis, m'avait appelé proposé de le rencontrer. Il habite
provisoirement chez sa tante, une adorable femme de 30 ans qui m'acceptera
chez elle pendant les 5 jours suivants. J'ai ici l'occasion de goûter à la
meilleure chicha jamais rencontrée, grâce à un mélange de tabac maison, la
moitié de vin dans l'eau et le savoir faire sans pareil de Luda, également
grande amatrice de thé et perfectionniste en la matière. Alors que Denis parle
relativement bien anglais, sa tante n'en connaît pas un mot et communiquer
avec elle est plus difficile, mais les mots sont souvent superflus et on
arrive à s'en sortir. Ma riche expérience en montage de meubles préfabriqués
et d'ordinateurs me permettra là encore de rendre un service, certes faible
mais c'est déjà ça.
Je dois beaucoup à Luda. De nombreuses tasses de thé et bols de son excellent
borsch, mais surtout une aide très précieuse pour trouver un endroit où me
loger durant le reste de mon séjour. Après avoir tenté de visiter en vain
quelques appartements, une "agent immobilière" nous accompagne au-delà de
Liçova, dernière station de metro de la rive gauche et zone réputée mal
fréquentée mais mis à part un pickpocket - mais ça, j'aurai l'occasion de vous
en parler plus tard - je n'ai pas à me plaindre de cette partie de la ville.
Trois kilomètres plus loin, entre une des routes principales qui mènent à Kiev
et une grande forêt de mélèzes, nous arrivons vers une maison privée dans
laquelle habitent deux soeurs qui cherchent à arrondir leurs fins de mois en
louant une de leurs deux chambres.
Après cinq nuits chez Luda, j'ai donc une nouvelle maison. Dit comme ça, c'est
une bonne nouvelle, et c'en est effectivement une. Surtout en considérant le
fait que je n'ai plus d'argent et que je suis un peu mal à l'aise de
m'incruster chez les gens sans pouvoir contribuer. De là à pleinement
apprécier le confort tout relatif que peu m'apporter ce logement il y un pas
que j'ai de la peine à franchir. Voyez plûtot...
La maison est située dans un petit jardin d'environ 120m², où poussent quelques légumes et au fond duquel se dresse une remise. Une porte large de cinquante centimètres avec deux verrous et qui ferme très mal, un vestibule sombre et exigu, encombré de nombreux objets peut-être utilisés. Une cuisine de 25m² dans laquelle on trouve un fourneau à gaz, un vieux frigo au bord de la depression qui se secoue comme un tracteur d'avant-guerre à chaque démarrage et extinction de son compresseur, un chauffe-eau, un évier branlant, une table et trois tabourets. Derrière un large rideau de douche qui délimite un quart de la pièce, il y a également un chauffage à gaz d'une efficacité toute relative, un machine à laver, une baignoire et une cuvette de chiotte, installée en plein milieu du chemin. Notre chambre se situe du côté du jardin, dans une partie ajoutée à la maison et derrière une porte qu'il est impossible de fermer. L'humidité dans la pièce est palpable, on se croirait au bord d'un marrais. Un patchwork de papier peint usé et taché par l'humidité orne les murs tandis que le plafond est décoré de moulures en plâtre et d'un plafonnier immitation lustre en crystal très laid selon moi. Par-dessus le papier peint, un genre de tapis, une énorme photo de forêt, des images avec ou sans citations imprimées ou en point de croix. Sur le rebord de la grande fenêtre on trouve de vieilles casseroles servant de pot à 5 plantes grasses de la même variété, mais pas moyen d'aérer correctement la pièce car on ne peut ouvrir qu'un toute petite lucarne, le reste est fixe.
Je ne sais pas si les deux soeurs qui nous louent la chambre correspondent à l'Ukrainienne âgée moyenne, mais ellens ont en apparence de nombreux points communs avec la majorité des femmes d'un âge certain qu'on peut croiser partout en train de vendre des légumes, des triccots, des jetons de metro ou des cigarettes, balayant la rue ou comérant sur un banc au pied d'un des nombreux immeubles de banlieue. Trappues et bossues, larges, le visage tout frippé, un châle sur la tête et quelques dents en métal, sans cesse en train de se soucier de ce qui se passe chez vous et d'interférer avec ce que vous faites. N'espérez pas aller et venir sans qu'on vous pose de question, c'est impossible car elles veulent toujours savoir où vous allez, d'où vous venez et ce que vous êtes allés y faire. Vous n'avez pas déjeuné avant de partir? Elles vous demandent par trois fois de manger un bol de borsch. Vous étendez du linge? Elles ajoutent des pincettes ou réarrangent les habits à leur goût. La moto attend sagement devant la maison? Elle reçoit une bâche pour la protéger de l'éventuelle pluie qui ne viendra jamais. Dans certains cas, ce ne se sont que des détails insignifiants qu'on pourrait interpréter comme de bonnes intentions et auxquels on peut aisément ne pas prêter attention. Quand on fait cuire de l'eau pour le thé, juste suffisemment pour une tasse, elles remplissent le pot à ras-bord juste car elles n'aiment pas qu'il soit presque vide et il faut cinq fois plus de gaz et de temps pour ammener l'eau à ébullition. Quand on fait à manger, elles trouvent n'importe quel pretexte pour venir dans la minuscule cuisine et regarder d'un oeil inquisiteur la façon dont vous coupez les patates ou les oignons. Quand on prend sa douche, si on a le malheur de couper l'eau un instant pour se laver les cheveux, elles accourent immédiatement de la pièce à côté ou du jardin por venir éteindre le chauffe-eau et vider le reste d'eau chaude qui pourrait encore s'y trouver, de peur de l'abimer. Il ne vous reste donc plus qu'à attendre qu'elle sorte, traverser la cuisine pour chercher des allumettes et rallumer le chauffe-eau pour pouvoir terminer sa douche tranquillement.
Les deux vieilles sont aussi très possessives. On n'a pas le droit d'utiliser leur casserole favorite, ni les toilettes non plus d'ailleurs on doit aller dans la remise pour y faire à la turque et droit au-dessus de la fosse sceptique. Pas le droit non plus d'utiliser la machine à laver, on n'a droit qu'à la bassine et aux commentaires (heureusement incompréhensibles) sur notre façon de faire. Elles ont une peur bleue de perdre ne serait-ce qu'un kopeck en nous donnant du sel ou se faire voler (mais quoi donc?) par leur voisins.
La lecture de ces quelques lignes seront probablement décourageantes. Rassurez-vous, je ne passe pas trop de temps ici et je me suis vite habitué aux onze (absolument!) manipulations à effectuer pour prendre une douche. Mon conseil si vous décidez de visiter Kiev: ne partez pas sans un rond, prévoyez un budget suffisant pour le logement, réservez à l'avance un hôtel ou un appartement et faites-vous aider si possible par quelqu'un sur place. En cherchant un peu sur ICQ, vous trouverez sûrement quelqu'un heureux de vous aider contre un souvenir de suisse et une petite bouffe.
Denis, ce fameux étudiant en politologie à l'université Shevchenko et avec qui j'ai habité durant presque un mois. Denis te duge horocho drug!
Moi, Luda et une amie de la famille qui s'était fait agresser à Kiev quelques jours avant.
Luda dans sa cuisine avec le chien de sa mère. Habituellement vue en compagnie de l'un de ses chats "favoris". Elle en avait 4 (et reçut plus tard encore un chaton) dont elle ne savait que faire et devait garder séparés pour éviter les bagarres. Ils lui faisaient péter un cable assez souvent mais elle des adorait d'autant et les échangeait régulièrement de place entre le salon-chambre-à-coucher et la cusine
Au fond de cette rue se trouve la maison dans laquelle Denis et moi avons trouvé une chambre. Parallèlement, la semi-autoroute qui relie la capitale à l'est du pays.