David Lütolf - solutions

Ukraine: Happy birthday in Sherghorod

(2006-09-30) L'autre jour, alors qu'on visitait une église reconstruite de Kyiv, un pote à Denis me dit (avec un très fort accent) "I'm inviting you to my happy birthday party next weekend". Une invitation pareille ne se refuse évidemment pas, surtout lorsqu'il s'agit d'aller dans le sud-ouest de l'Ukraine, à côté de la frontière moldave, à un endroit que mon itinéraire initial devait malheureusement ignorer. Denis et moi avons donc pris le train pour nous rendre dans sa ville natale, un samedi vers 3h de l'après-midi.

Le train a été le premier évènement du weekend. Nous nous sommes retrouvés dans un wagon-lit d'une quarantaine d'années, voire plus, doté bien sûr de tous les raffinements que l'on serait en mesure d'attendre d'un train de l'URSS. Le wagon est séparé en compartiments sans porte, dans lesquels se trouvent 6 couchettes astucieusement rabattables ou transformables en sièges. On peut assoir huit personnes sans problèmes, mais chacun a sa couchette et donc toute la place dont on pourrait souhaiter. On présente son billet avant d'entrer au personnel du wagon, qui s'occupera de notre bien-être durant les 5 heures de trajet en préparant par exemple du thé à l'aide d'un chauffe-eau à charbon conçu exprès pour et d'un charme absolument inouï. Les toilettes ont également beaucoup de charme, mais ce n'est pas pour plaire à tout le monde. Certains passagers, voyant que j'en prends des images, ne manqueront pas d'appuyer que leur état est inadmissible. On peut les comprendre, mais difficilement décrire l'état des sanitaires, bien que très propres. La rouille a dévoré une grande partie de ce qui devait être une lunette, l'eau ne coule que difficilement du robinet et l'aspect général des lieux ne prête pas vraiment à la détente et au soulagement. Qu'importe, je trouve ça très cool pour une première.

Arrivé à notre gare de destination, on apprend qu'il n'y a pas de bus pour Sherghorod avant 1h40. Zut, on va être en retard pour la fête! On cherche, mais on ne trouve pas de solution. Alors que je suis au magasin d'en face pour chercher des bières et prendre notre mal en patience, une Lada (ça aura son importance) s'arrête près de l'arrêt de bus, un demoiselle en descend et demande si quelqu'un a besoin d'un lift pour Sherghorod. Merveilleux! Ai-je parlé trop vite? sans doute.. car même si nous sommes arrivés à destination en un temps record, c'est une chance que nous y soyons arrivés. Le chauffeur était sans aucun doute inexpérimenté et inconscient, sa compagne en tout cas inconsciente et s'était mis en tête de lui faire des gâteries alors que nous roulions de nuit à 140 km/h sur des routes cabossées. Alors qu'on s'arrête sur une ligne droite au milieu de nulle part, on nous dit de ne pas s'inquiéter, qu'un ami viendra pour apporter de l'essence. Dans les 30 secondes qui suivent, une voiture arrive, salutations, bidon d'essence, au-revoir, et on repart. Pourquoi pas.. Heureusement chaque chose a une fin, et nous avons pu descendre du véhicule.

Il est temps de se rendre à la fête, qui a lieu dans un petit magasin-bistrot juste à côté, et dans lequel une table nous est réservée. Nous sommes 6 à partager un repas composé de nombreux plats dans lesquels ont se sert entre 2 shots d'une grande bouteille de vodka (évidemment). On discute de tout et de rien, j'essaye tant bien que mal de raconter mon voyage et décrire les gens que j'ai rencontrés jusqu'ici, expliquer comment est la Suisse ainsi que ce qu'on y mange et boit. Le repas fini, nous sortons pour nous diriger vers la disco de la ville, au premier étage d'un bâtiment anonyme. On me présente la nièce à Oleg, puis nous montons faire la fête. Retour immédiat aux boums d'adolescence, tant par l'ambiance qui reigne dans la salle pleine que par la musique qu'on y entend. Les âges vont de 15 à 23 ans environ, pas trop grave je vous dirais, et on s'éclate bien. Vers 3h du mat la salle commence à se vider, et on s'en va aussi.

Dimanche matin, alors qu'il fait grand beau, nous sommes réveillés par la mère à Denis qui nous invite à participier à la cuillette des champignons avec la grand-mère et une amie. Le père nous emmène dans la Lada (encore une!) familiale à la forêt située quelques kilomètres plus loin ; nous sommes donc 6 dans la voiture mais tant qu'on anticipe les bosses de la route ça va, imhotep. On roule dans les champs quand la route est trop abîmée, on regarde le paysage vallonné de la région, puis on s'arrête sur un chemin de terre. On sort les bidons et les couteaux, c'est parti, les champignons n'ont qu'à bien se cacher. La dream-team est prête.

Je vous passerai la description de la cueillette, un champignon, même en Ukraine, se coupe comme un champignon et comme de coutume ce sont ceux qui en mangent le plus qui les trouvent (sauf pour un ENORME gisement que j'ai trouvé, mais que Denis m'a faussement indiqué comme non commestible. rhââ).

Au retour, Denis et moi descendons en route pour rendre visite à l'arrière grand-mère qui habite dans le village voisin, dans un quartier très tranquille et qui ne diffère pas beaucoup de ce que j'ai pu rencontrer jusqu'à maintenant. J'espère ne vexer personne en disant que la campagne ukrainienne, ma foi c'est la campagne ukrainienne, et que mise à part des différences climatiques inévitables les régions se ressemblent passablement. Après avoir reçu les bénédictions de la grand-mère, nous allons voir l'église du village, vieux bâtiment en bois bleu de plusieurs siècle que la fille du prêtre ouvre juste pour nous. A l'extérieur, un puit (d'eau bénite?), des chenaux décorées, quelques plates-bandes. A l'intérieur, des icônes très vieilles, des inscriptions et une ambiance magique nous font rester un bon moment. Alors qu'on allait réussir à s'en aller, on nous propose de visiter l'altar, dans lequel on peut voir des icônes habituellement invisibles au public.

Les historiens affirment qu'un souterrain de plus de deux kilomètres débouche dans cette église, ayant sont entrée dans la cathédrale ou le monastère (presque aussi grand et majestueux) de Sherghorod. Cela daterait de l'époque où les turcs avaient des vues sur la ville, avantageusement située sur une coline entourée d'une rivière. Lors de leur occupation, plus tard, ils l'auraient même baptisée Petite Istanbul. Les juifs également ont longtemps eu une grande inflence dans la ville, comme en témoigne la synagogue qui prête aujourd'hui ses murs à une usine de vins et spirituex divers. Les juifs ne sont pas partis, bien au contraire ; une importante corporation propriétaire de la marque de vodka Nemiroff, leader de la vodka ukrainienne dans le monde, s'y trouve toujours et la richesse des tombes du nouveau cimetière juif témoigne de la fortune des familles.

S'il y a un nouveau cimetièrre juif, il y en a bien sûr un ancien, et c'est bien sûr aux alentours de minuit que nous allons le visiter, lampe de poche et caméra au poing. J'avais eu l'occasion, sur ma route, d'apercevoir quelques cimetières anciens, aux tombes éparses et oubliées. J'allais cette fois en voir un de près, et je ne suis pas près de l'oublier. Des centaines de pières tombales aux inscriptions mystiques, disposées presque pèle-mèle et de travers, parfois couchées, rarement droites, au milieu d'un champ d'herbe sauvage. Je me serai cru dans un roman noir, et si un être maléfique s'était à ce moment matérialisé devant nous je n'aurais été que très peu surpris. Malheureusement, nous devons partir tôt le lendemain et notre visite ne dure pas.

Le retour en train est bien moins pitoresque que l'aller ; il se fait dans un train électrique bien plus récent et bien moins confortable, qui ferait presque penser à un RER longue-distance. J'aurais tout vu comme ça :-)
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Le cinéma de la ville. Ici en particulier, la culture alternative est assez marquée ; on trouve de nombreux graphes et peintures sur les édifices. Les jeunes en sont très fiers, en ce qui concerne les plus vieux je n'ai pas demandé mais il m'a semblé qu'une certaine fierté pour les nouvelles générations s'en dégage, peut-être comme une revanche sur la monotonie soviétique?
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Actuellement une brasserie-distillerie, ce bâtiment était à l'origine la synagogue de Sherghorod
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Le restaurant "c'est la vie". ou pas.
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Des pierres tombales d'un age impossible à deviner jonchaient le sol de la coline, il fallait prendre toutes les précautions pour ne pas marcher sur l'une de celles enfouies sous l'herbe. Certaines comportaient d'étranges symboles gravés dans la pierre.
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Cette photo et la suivante ont été prises dans l'ancien cimetiere juif, peu avant minuit. Denis ne voulait pas s'attarder, et prétendait avoir y vécu un truc étrange peu avant.
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De retour à 2h dans la gare de Jmerinka pour y retrouver Denis vers 4h et aller faire la fête. J'y ai croisé cet étudiant en droit d'Odessa qui devait attendre près de 11h. On a partagé mon reste de bière et de poissons secs en causant de choses et d'autres. Il y avait aussi un petit chat orphelin trop chou (et très sale) et qui m'avait adopté, mais que j'ai laissé sur place.
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On ne sait pas vraiment si cette vieille dame qui avait la tête posée à travers la poignée de son chariot s'était écroulée de sommeil, était subitement morte ou attendait la guillotine..
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Sergei, un pote à Denis dans sa ville natale. Et maintenant un pote à moi aussi :-)
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Le lac qui protège la ville natale de Denis, Sherghorod. On était sur le chemin pour aller rendre visite à son arrière-grand-mère, vieille femme de presque 90 ans et qui m'a laissé un souvenir très fort.
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La gare de Jmerinka, au sud-ouest du pays. Très vieille, on aurait pu passer une journée entière à la photographier.
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La locomotive sovétique dans toute sa splendeur, ornée de l'étoile communiste évidemment.
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