David Lütolf - solutions

Ukraine: Escapade à Чорнобиль

(2006-10-08) Vous l'imaginez bien, je ne pouvais pas rester aussi près de la tristement célèbre centrale nucléaire de Chornobyl sans essayer d'aller voir plus près de quoi il s'agit.

Sur la carte, une zone d'un diamètre d'une trentaire de kilomètres est indiquée zone évacuée. Dans le Lonely Planet sur l'Ukraine que j'avais eu l'occasion de feuilleter près d'Uzghorod, il était fait mention de deux zones de 100 et 30 kilomètres chacune et la visite du site devait être payante (270$ par visite!). Aux personnes à qui j'avais demandé, la plupart n'avaient jamais jamais approché les lieux et n'en savaient rien ; la seule qui y avait mis les pieds n'était pas capable de me donner d'informations à ce sujet. Il me faudrait donc braver tous les dangers pour éclaircir ce mystère!

Denis n'ayant pas non plus eu l'occasion de visiter l'endroit, c'est ce matin de dimanche que nous sommes partis ensemble découvrir le lieu de la catastrophe. Après avoir décidé de l'itinéraire et perdu un peu de temps pour démonter les deux caisses de la moto sans avoir les bons outils (merci à Tony d'avoir insidieusement utilisé une vis américaine pour fixer le support) pendant que la vieille dame nous pressait de partir car nous étions "en retard", nous nous sommes mis en route. On se doutait bien qu'il y aurait un genre de contrôle sur les routes qui mènent à la centrale ; avant Kyiv la Dnipro s'élargit à plusieurs kilomètres en un grand lac, et le longer nous semblait une bonne solution pour arriver à notre but. Première erreur car encore bien loin de l'objectif nous nous sommes retrouvés au bord d'une réserve forrestière, évidemment pas indiquée sur la carte et à travers laquelle on nous refusait bien évidemment le droit de passage. Demi-tour donc pour une trentaine de kilomètres, mais comme le lac n'était pas loin nos pouvions y faire un saut (pas dedans bien sûr, car on avait pas pris nos serviettes).

Sur les chemins de terre très cahoteux qui y mènent, le pare-boue avant avait à plusieurs reprises eu l'occasion de se prendre dans le pare-buffle maison, nécessitant à chaque fois un arrêt du véhicule pour ammener la direction en bout de course (vous pourrez voir sur les photos ce qui se produit quand on ne s'arrête pas tout de suite). Ainsi, quand après une première tentative d'amélioration du système à l'aide d'une bouteille en PET nous sommes arrivés sur la plage et y avons trouvé le cadavre d'un tonnelet de bière Obolon, c'est avec beaucoup d'application que nous avons ressorti le couteau suisse et les brides en plastique pour fabriquer un plastron du plus bel effet sur la moto.

La plage, elle, était superbe. Comme le sol de la région est constitué presque exclusivement de sable, il n'était pas surprenant de constater qu'aucun caillou ou gravier n'aurait dérangé le repos du baigneur même s'il y avait bien quelques détritus (malheureusement comme à trop d'endroits mais heureusement pour nous car nous avons pu y trouver LE bidon). L'eau n'est pas très claire, de couleur jaune, mais elle était ainsi à chaque endroit du pays que j'avais pu visiter, probablement à cause de sédiments qui sont aussi ce qui rend l'Ukraine si fertile. Assez bavardé, il nous fallait continuer.

Question: à quoi reconnaît-on un passager heureux? indice: il porte un casque jet sans visière.
Réponse: aux moustiques collés sur les dents bien sûr! (authentique :-] il avait même la marque des lunettes, mais pas à cause du soleil..)

Après s'être un peu perdus faute d'avoir une carte de la région assez précise, nous nous sommes arrêtés près d'un arrêt de bus abandonné pour manger les tomates (devenues purée), le pain, la saucisse et le sala (une épaisse couche de gras de porc en somme) emportés avec nous. Après avoir constaté qu'aucun réseau natel ne couvrait la région, nous nous sommes très vite trouvés un peu mal à l'aise à cause du silence qui régnait en ce lieu. Pas un seul bruit ne pervenait à nos oreilles. Un ou deux moucherons volaient bel et bien par là, mais sinon aucun insecte ou aucun oiseau ne semblaient habiter la région ; pas un seul aboyement de chien non plus. Les quelques humains qui habitent encore la région et que nous avons pu voir, également, semblaient aphones si on leur adressait pas explicitement la parole.

Restaurés, nous nous sommes remis en selle pour essayer de savoir par où nous devions aller. Et c'est là, au détour d'un chemin, que j'ai ralenti, la route étant obstruée par une grande barrière et un poste de garde avec chien et milicien armé. Pas moyen de passer. Il suffisait d'un rapide coup d'oeil pour savoir que cela ne servirait à rien d'insister, sans papier officiel (ou quoique ce soit qui y ressemble? à essayer..) nous ne pourrions pas traverser. N-ième demi-tour, donc, mais cette fois avec pour idée de contourner le barrage en passant par la forêt, la transalp étant l'outil idéal pour cela.

Il ne nous fallut pas long pour trouver un chemin (que dis-je, vu la quantité de sable c'était presque une plage) qui s'enfonçait dans les bois. Après quelques virages nous apercevons une étendue grisâtre non loin de nous et la curiosité qui nous a menés jusqu'ici nous pousse à nous arrêter pour examiner la chose de plus près. Comme dans certaines BDs que j'avais eu l'occasion de lire dans mon enfance, le sol, très mou, était couvert d'une mousse très verte ; de gros champignons toxiques poussaient par là et à certains endroits une couche très épaisse de lychen (le même qui pousse habituellement, ras, au bas des troncs d'arbres) recouvrait le sol. Soudain, on me fait comprendre qu'on a de la visite. Pas de milice heureusement, mais juste un champignonneur très peu bavard et qui rentrait bredouille. Sans protubérance en forme de corbeille ni brillance inhabituelle, il ne semblait pas le moins du monde surpris de notre présence ici et nous aurait totalement ignoré si nous ne lui avions pas posé quelques questions..

Un peu plus loin, on se retrouve nez à nez avec une haute clôture de barbelés rappelant celles des camps de concentration. Après l'avoir longé sur quelques centaines de mètres jusqu'à trouver un endroit où elle a été forcée, je camouffle rapidement la moto (mais suffisemment bien pour qu'au retour Denis la prenne pour un buisson) et on pénètre le périmètre de la zone interdite. Un chemin de terre longe la barrière en son côté intérieur, et selon les traces de pneu que l'on peut voir il semble qu'il soit assez régulièrement utilisé. Il est d'ailleurs en très bon état, sans trous ni bosses ; la milice passe donc fréquemment par là et se soucie de son confort (ou son efficacité?). On travers en vitesse le fossé et la deuxième clôture, détruite et visible seulement une fois traversée, qui complètent le dispositif de sécurité de près de quarante mètres de large. Au-delà de cette large cicatrice, la forêt continue, encore plus verte de mousse, le sol encore plus mou, encore plus silencieuse, à l'atmosphère plus lourde et plus étrange que quelques mètres moins loin. Comme nous n'avons aucun moyen de savoir où nous nous trouvons et qu'au moins trente kilomètres nous séparent de la centrale on ne s'aventure pas très loin et on revient vite sur nos pas. On reviendra, mais avec un plan moins vague et les moyens de le réaliser.

Au retour, les routes droites et désertes se prêtent très bien à une première tentative au guidon de la moto pour Denis. Les quelques kilomètres que nous avons parcouru, en ville et dans les bois, l'ont motivé à se convertir au motarisme. J'ai fait un adepte! Il a un peu de la peine, mais pas découragé par ses premiers calages se prend au jeu et parcourt joyeusement la route en long et en large à fond de première avant de se risquer à passer la deuxième. Il est maintenant temps de rentrer pour discuter de ce que nous avons vu et déguster une bonne bière accompagnée de poisson salé.
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