David Lütolf - solutions

Ukraine: Gulate tak gulate, murate tak muzikuyu

Après les constatations plus sérieuses, il est temps de vous raconter la soirée qui vient de se terminer. Soirée un peu spéciale et qui change de l'ordinaire, heureusement car sinon on s'ennuierait.

Comme de coutume, le début ne laissait pas prévoir la tournure que prendraient les évènements. Cela a commencé par le rassemblement du reste de ma fortune (26 grivnas, 75 kopeks et 3 jetons de metro) pour ensuite aller sur internet au centre-ville. Peu après être sorti du métro, je m'aperçois que je ne peux pas emprunter le chemin ordinaire pour aller à mon cyber-café favori. En effet, un important déploiement de l'équivalent du GIGN en Ukraine comptant près de 200 hommes bloque plus ou moins l'accès à une portion de Kreshatik. A l'intérieur de la zone interdite, rien d'autre que quelques passants.. mais que se passe-t-il donc? Je prétends devoir aller à ma banque qui se trouve comme par hasard derrière le barrage, et on me laisse passer. De l'autre côté de la seconde ligne, une poignée de manifestants apathiques se tient et attend. Ce serait en relation avec la légitimation contestée d'une armée autonome mise sur pied dans les années quarante et qui a subsisté depuis. Comme il fait froid et que rien ne se passe, je vais relever mon mail et faire mes mises à jour sur internet ; un problème de caractères accentués change les 30 minutes prévues en une heure et il ne me reste plus que 20 grivnas, 75 kopeks et 2 jetons de metro.

Denis m'ayant dit qu'il comptait aller sur une place où des saltimbanques crachent du feu à la tombée de la nuit, je lui envoie un message pour savoir où il en est. Un rendez-vous fixé à 19h vers le Golden Gate (une ancienne porte de la ville) et je n'ai plus qu'à tuer le temps en attendant.

Arrivés sur ladite place nous apercevons les anarcho-saltimbanques en train de se chauffer en jouant un peu de percu. Le meneur, en jeans noir délavé et marcel gris foncé décoré d'une étoile avec marteau et faucille, a la tête de l'emploi. Il veut bien parler mais en russe uniquement, vient de Kyiv et affirme se donner en spectacle pour protester contre la culture ukrainienne qu'il désaprouve. Nous on a soif et notre choix se porte sur une petite bouteille de vodka miel-piments accompagnée d'un jus de légumes, de quelques saucisses et de pain qu'on consomme en regardant le spectacle. 20 grivnas y passent, je n'ai plus que quelques kopeks et de quoi prendre le metro pour rentrer. Comme on le dit en Ukraine, "Gulate tak gulate, murate tak musikuyu" (qui signifie quelque chose comme "fais la fête jusqu'au dernier sou, tu mourra en musique"). Lorsque c'est terminé il nous faut bien trouver une occupation, et la discussion sociologique en cours nous emmène au bord de la Dnipro, où des navires-discotèques ou de croisière sont à quai. On fait les cons, s'aventurant sur ou dans les bateaux plus ou moins inoccupés pour aller aux toilettes ou juste visiter, puis on aperçoit le pont piéton qui mène à l'île où se trouve Hidropark. Allons-y!

Deux jeunes ayant un peu bu et en quète de bêtises ne peuvent que faire des âneries, et le hangar désafecté à la porte condamnée qui se trouvait sur le chemin du pont se prêtait parfaitement à la tâche. Après avoir forcé l'ouverture sans trop de problèmes, nous nous sommes glissés dans les lieux pour voir ce que nous pourrions y trouver.

Il faisait très sombre, le moyen le plus efficace pour nous éclairer était un briquet et le sol était jonché de débris divers, eux-mêmes recouverts d'une épaisse couche de poussière. Denis trouva rapidement un casque de chantier, qu'il mit à l'abri pour un usage futur. L'exploration se poursuivait et laissait entrevoir une halle aux dimensions respectables, un escalier métallique menant à un étage supérieur et des ouvertures sur les côtés. A gauche, un petit réduit rempli de ce qui resemblait à de vieux et encombrants accus, à droite une autre halle semblable à la première mais avec en plus une fosse (dont je ne suis pas passé loin) et un escalier descendant on-ne-sait-où sous terre. Dans une petite pièce tout autant en désordre, on trouve une sacoche contenant un porte-feuille vite et quelques pages remplies de chiffres, ainsi qu'un livre satanique qui a tant bien que mal fini en cendres. Plus loin, un petit local à machines attenant menait à une troisième halle au toit effondré dans laquelle trônait une enorme cuve métallique. Rien à voir de ce côté-ci, et le souterrain est bien plus intéressant. Ayant fabriqué une torche à l'aide d'un bout de bois et d'un torchon qui traînait, nous avions maintenant de la lumière et pouvions commencer notre voyage au centre de la terre...

Vous serez sûrement autant déçus que nous d'apprendre qu'il n'y avait strictement rien à voir, mis à part un sol boueux et un cul-de-sac prévu pour je ne sais quel usage, beaucoup de fumée à cause de la torche improvisée et quelques tubes en métal sortant du plafond. En sortant du trou, je trébuche presque sur un machin bizzare qui ne ressemble pas du tout aux bouts de bois et tas de sable qui jonchent le sol.. un authentique masque à gaz rescapé de l'époque soviétique! Heureux de ma trouvaille et profitant de ce qui restait de la torche on fait un tour à l'étage, qui n'est pas plus intéressant que le reste, puis on s'en va.

Comme nous étions d'excellente humeur, la traversée du pont ne pouvait pas se faire de la façon utilisée par les familles qui s'en vont faire un shashlik le dimanche après-midi. De nouveau, une alternative se présentait à nous, tout en offrant une vue imprenable sur le port et une partie de la ville: les haubans bien sûr! A en voir les grilles bloquant l'accès aux énormes poutres en acier soutenant le pont le chemin n'est peut-être pas conseillé, mais les architectes ont prévu des gardes-fou sur toute leur longueur et même des échelons pour ne pas glisser. Presque trop facile, mais jolie promenade tout de même. Si vous passez par là, risquez-vous là-haut, c'est sans sans risque ;-)

Le retour à la casba passait inévitablement par 40 minutes de marches pour rejoindre metro, et mis à part une baston dans un bar qui se trouvait sur le chemin, rien de phénoménal ne perturba notre route.
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Trouvé au hasard d'une nuit magique, est-ce un poème d'amour ou une incitation à profiter de la vie à fond? je ne sais plus..
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A l'intérieur du hangar dont nous avons défoncé la porte et où nous avons trouvé un casque de chantier et un masque à gaz soviétique.
C'est normal que le photo soit un peu bizzare, j'ai fait un montage pour laisser voir Denis autant que le fond.
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Le hangar, la porte, le casque et le masque, et moi.
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Traversée de la Dnipro au-dessus du pont piéton, sur les poutres métallliques supportant les haubans.
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